C’est l’objet de la conférence-débat qu’a donné l’association Nature & Justice à Yaoundé le 4 novembre dernier.Par Sintia Dounang
Le secteur minier au Cameroun est entaché de nombreuses irrégularités. Il s’agit, entre autres, des chiffres opaques et incohérents qui s’expliquent par le fait que les quantités déclarées par les autorités camerounaises sont généralement en deçà de celles réceptionnées dans les pays destinataires ; les violences et violation des droits de l’homme et de l’environnement liées d’une part au traitement, parfois inhumain infligé aux populations qui, lorsqu’elles ne sont pas dessaisies de leur terre, sont violentées dans les chantiers par les employeurs. D’autre part on relève le non-respect du code minier qui prescrit la réhabilitation des sites miniers après exploitation, selon le principe de la loi-cadre sur l’environnement qui invite le pollueur à payer. Les trous miniers qui côtoient des habitations dans des villages à Ketté, Bétaré Oya ou encore Kambélé dans la région de l’Est en sont une illustration.
Ambiance sur un site d’exploitation d’or à l’est Cameroun

Pour trouver des voies de sortie, l’association Nature & Justice a organisé le 4 novembre dernier une conférence-débat avec des journalistes et des jeunes en vue de de lancer un appel aux autorités en charge de l’industrie extractive afin que celles-ci fassent respecter les textes en vigueur. L’association propose que ces autorités puissent notamment, combattre la corruption dans le secteur minier ; renforcer les mesures pour la promotion de la non-violence sur et hors des sites ; protéger les populations riveraines contre la spoliation de leurs terres ; limiter la pollution des cours d’eau ; lutter contre le travail des enfants ; respecter les droits des femmes ; restaurer les sites après exploitation ; limiter l’utilisation des produits dangereux et toxique ; protéger les travailleurs contre les abus des employés. « Je trouve l’initiative très louable et pense que Nature & Justice va davantage avancer dans cet élan pour qu’ensemble nous menions cette lutte pour une justice sociale et environnementale afin que les communautés riveraines qui sont autour de la mine puissent jouir des privilèges liés à sa gestion. Les impacts sont tant à l’échelle locale qu’internationale. Tout le monde est appelé à se mouvoir au mieux pour les réduire », pense Declermond Ateba Logo, coordonnateur du Centre pour la protection de l’environnement et le Développement durable au Cameroun.
Le président de la République en a fait un levier important du développement du Cameroun
L’association Nature & Justice a été légalisée en avril 2023. C’est une association qui voudrait s’intéresser globalement à la justice de la nature en travaillant sur les 17 objectifs du développement durable (ODD). Pour ce qui est du volet justice, l’association entend identifier les problèmes et proposer des solutions dans la non-violence. « On a voulu lancer par un débat avec des journalistes et des jeunes sur les impacts socio-économiques, écologiques et fonciers de l’industrie extractive, l’exploitation de l’or précisément. Un constat est fait, les cas de décès sont régulièrement répertoriés et il y a quelques mois, des cas de corruption ont été révélés dans les marchés pétroliers au Cameroun. Cela draine un chapelet de problèmes sur l’environnement. Les cours d’eaux autour des sites d’extraction sont généralement pollués et les populations ne sont pas prises en charge lorsqu’elles tombent malades. Pourtant une poignée d’individus se fait de l’argent. On voudrait proposer ce que nous avons comme réflexion aux décideurs afin d’améliorer cette activité », explique Adrienne Engono Moussang, présidente de l’association Nature & Justice.
Journalistes et jeunes lors du débat

Selon les données du rapport de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives de 2018, au moins 25% du territoire camerounais connaît une exploitation minière artisanale et semi-mécanisée. À date, le secteur minier camerounais ne représente que 1% du Produit intérieur brut. À cet effet, le président de la République en a fait un levier important du développement du Cameroun dans son adresse à la nation le 22 décembre 2022, en annonçant l’exploitation du fer de Kribi-Lobé, Mbalam-Nabeba et Bipindzi-Grand Zambi. Ces projets dans le Sud du pays s’ajoutent à l’exploitation minière (Or, diamant, etc.), déjà en cours dans les régions de l’Est et de l’Adamaoua. De quoi inquiéter quant à l’augmentation des impacts négatifs, si rien n’est fait. La contribution de Nature & Justice ne saurait donc être de trop pour l’amélioration de la situation, surtout dans la non-violence, se convainc Mme Engono.