mercredi, novembre 29, 2023
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Pr Parfait Eloundou Enyengué :: « ARIDE essaye d’élaborer quelques principes majeurs qu’on doit prendre en compte lorsqu’on communique »

Enseignant à l’Université de Cornell aux Etats-Unis, le Camerounais est convaincu du rôle de la communication scientifique dans l’amélioration des décisions politiques pour le développement.

Par Pierre Ulrich Edong

Il y a quelques années, l’on vous a découvert comme le chantre du Dividende Démographique, rôle que vous continuez de jouer d’ailleurs. Mais aujourd’hui pour parler d’un concept, peut-être nouveau pour certains. Que signifie justement ARIDE ?

ARIDE est un concept de communication scientifique qui reconnaît à la base que les scientifiques et les décideurs politiques viennent de deux univers différents. Ils ont des priorités différentes, des formations différentes, un univers temporel différent. Ce qui fait que face à une même question, à un même ensemble de données, ils risquent de prendre des décisions différentes et que laissés à eux-mêmes, les décideurs ne vont pas lire les projets de recherches scientifiques avec le même regard que les scientifiques. Donc pour pouvoir améliorer la communication et s’assurer que les scientifiques réalisent avec beaucoup d’efforts et à grands frais publics que cette recherche soit effectivement utile à la prise de décisions. Donc le concept ARIDE cristallise cette différence et essaye d’élaborer quelques principes majeurs qu’on doit prendre en compte lorsqu’on essaye de communiquer, de traduire les résultats de la recherche en des termes qui soient accessibles et qui soient opérationnels pour les décideurs.

Récemment vous avez organisé une formation avec des jeunes chercheurs et des journalistes. Sont-ce eux qu’il faut viser, étant donné que ce sont leurs interlocuteurs qui ne comprennent pas la nécessité de prendre en compte les résultats de la recherche?

Tout à fait. On doit viser les deux auditorats parce que la responsabilité comme vous le savez est partagée. Il y a d’un côté le communicateur qui a justement la plus lourde responsabilité car il doit s’assurer de bien connaître son auditorat et ainsi adapter son langage, le niveau de difficulté, le débit, la durée, la pertinence, les points principaux sur les besoins de la personne qui écoute. Nous avons commencé avec des jeunes chercheurs sachant que dans les années à venir, ils vont être responsables pour porter le message de la recherche scientifique vers les décideurs.

Le journaliste joue aussi un rôle important et de plus en plus. Un journal scientifique comme le vôtre et public avec une position unique joue un rôle unique parce que votre communication se focalise de façon prioritaire ou exclusive sur la recherche scientifique. Enfin on peut aussi toucher les décideurs, mais ils sont multiples. Vous avez les décideurs au haut niveau, vous avez les Organisations non-gouvernementales (ONG), vous avez le secteur privé et à chaque fois il y a un effort de compréhension des priorités de ce public, de son point de départ sur le plan des connaissances, sur le plan du jargon, sur le plan des contraintes de temps et des contraintes politiques.

ARIDE a-t-il déjà fait ses preuves ailleurs ?

Le projet de formation a été conçu par les populations de l’Agence de développement et de communication scientifique qui est basée à Washington DC et donc la formation s’est étendue au-delà du Cameroun. En fait, on a commencé en Asie et il y a un réseau très dense de personnes qui ont été formées dans cette forme de communication scientifique.

Mais ce que vous avez vu était un ancrage local, essayer d’avoir des relais de formation sur le continent africain. Tout a commencé par l’Afrique de l’Est avec l’antenne de Nairobi au Kenya qui couvre toute la sous-région, en plus de l’Afrique du Sud. Il y a également une antenne qui s’est ouverte à Dakar et qui va couvrir l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Nous avons pris le train de cette antenne, que nous avons essayé d’ancrer au niveau du Cameroun, en marche. Maintenant il est question de former des personnes et qu’à leur tour ils puissent en former d’autres. C’est en ce sens que L’Institut de Formation et de Recherche Démographique (IFORD) est un partenaire privilégié, non seulement parce que ce sont des jeunes chercheurs, mais également parce que ce sont des personnes qui vont très rapidement se retrouver en train d’informer et d’influencer la prise de décisions dans leurs pays respectifs. Actuellement, ceux qui ont été formés à l’IFORD en décembre ont formé deux autres équipes au Burkina Faso.

Toutes ces deux formations ont été prévues en mars de cette année. De façon interne, si les ressources étaient disponibles, il serait question que l’équipe de l’IFORD ait une formation continue qui touche des doctorants, des journalistes en formation ou en exercice pour renforcer les compétences dans ce domaine.

Avez-vous été satisfait du déroulement de la formation de Yaoundé ?

La formation était plus que satisfaisante. Les formateurs que vous avez vus n’étaient qu’à quatre semaines de formation. Mais pour avoir assisté à leur exercice de formation, je pense qu’ils se sont acquittés de leur tâche avec brio et les échos que nous avons eu des formés étaient favorables. Des sponsors de cette initiative ont également été impressionnés ; et c’est pour cela qu’ils leur ont demandé de s’appliquer dans la formation de leurs collègues du Burkina Faso et du Sénégal. Toutefois, il n’est pas impossible qu’un membre de cette équipe puisse voyager physiquement pour le Burkina Faso pour superviser de près ce travail. En fonction des moyens, il faudrait s’assurer qu’on vulgarise cela davantage. On peut, outre les formations constamment en présentiel optimiser les formations en ligne et mettre sur support audio, ce qui permettra de former un plus grand nombre de personnes de façon relativement indépendante. Je ne suis pas communicateur, mais pour avoir bénéficié de cette formation pour la première fois il y a plus de 25 ans, je suis persuadé chaque jour de l’importance de la communication dans tous les pans de la vie. Le point de départ, lorsque je menais ces formations, a été de dire aux formés que l’apprentissage d’une communication est un investissement rentable. Elle intervient dans tous les secteurs d’activités, surtout pour les leaders.

Merci pour l’accompagnement, pour le travail qu’on fait. Communiquer une science qui vise à informer les décideurs publics, c’est un travail de missionnaire et c’est du bon travail. Le résultat en fin de compte, c’est dans quelle mesure ce travail va contribuer à améliorer le bien-être des Camerounais. Si à la fin de sa carrière on a le sentiment d’avoir aidé le scientifique à mieux communiquer, qu’on a éduqué le public de façon à ce qu’ils prennent des décisions favorables à leur bien-être, vous et moi nous aurons fait notre travail

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