mercredi, novembre 29, 2023
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Les maladies tropicales négligées :: Au top de leur délaissement au Cameroun

Un problème de santé publique au Cameroun. A cause du COVID-19, bien que problème de santé publique, les MTN déjà longtemps aux mains des bienfaiteurs, ont connu leur prise en charge plombée avec le ralentissement de la fabrication de leurs traitements, la baisse de la fréquentation des formations hospitalières par les patients.

Par Adrienne Engono Moussang avec l’appui financier du IDNI

Michel Gabriel Ekoto Ngono doit sa validité retrouvée après des années de maladie, grâce à Médecins sans Frontières. Devenu agent de sensibilisation, le quadragénaire a souffert de l’ulcère de buruli (UB), pendant cinq années, alors même qu’il était élève au lycée technique d’Akonolinga, dans le département du Nyong et Foumou, région du Centre. Ce département est connu pour ses deux formations sanitaires qui accueillent des patients de l’ulcère de buruli. L’hôpital d’Ayos et celui d’Akonokinga. C’est dans ce dernier que Michel Gabriel Ekoto Ngono a été pris en charge, après avoir été chez le tradipraticien pour se faire soigner de l’« Atom », nom attribué à l’UB, pour le qualifier de mauvais sort par les populations locales. Cette considération renforce le rejet et la stigmatisation des victimes.

Mais cette réalité ne se limite pas qu’à cette maladie qui est une infection causée par le Mycobacterium ulcerans, micro-organisme proche des bactéries responsables de la tuberculose et de la lèpre dont le mode de transmission est toujours énigmatique. Dou l’exclusion sociale concerne des personnes affectées par ces Maladies tropicales négligées (MTN).

Le Cameroun compte 17 maladies tropicales négligées, les unes aussi graves que les autres A en croire l’OMS, « les personnes qui souffrent de maladies tropicales négligées, parce qu’elles n’ont pas un pouvoir politique important, ne constituent pas une priorité pour la santé publique. En outre, faute de statistiques fiables en raison de noms compliqués, il est difficile de faire mieux connaître ces maladies au grand public. »

D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les Maladies tropicales négligées sont celles qui « touchent principalement les populations les plus pauvres, qui vivent dans des régions rurales reculées, dans des bidonvilles ou dans des zones de conflit. Les Maladies tropicales négligées, entretenues par la pauvreté, touchent presque exclusivement les populations démunies des pays en développement. » Parmi celles-ci, l’OMS cite la dengue, la rage, le trachome cécitant, l’ulcère de Buruli, les tréponématoses endémiques (pian). la lèpre (maladie de Hansen), la maladie de Chagas, la trypanosomiase humaine africaine (maladie du sommeil) la leishmaniose, la cysticercose, la dracunculose (maladie du ver de Guinée), l’échinococcose, les trématodoses transmises par les aliments, la filariose lymphatique, l’onchocercose (cécité des rivières), la schistosomiase (bilharziose) et les géohelminthiases (vers intestinaux), comme Mtn.

Le Cameroun compte 17 maladies tropicales négligées, les unes aussi graves que les autres. « La filariose lymphatique ou l’éléphantiasis qui peut faire les gros pieds, les gros testicules, c’est un important problème. Il y a là un aspect stigmatisant et invalidant de la maladie donc c’est vraiment un problème. Il y a le cas de l’ulcère de Buruli qui, le plus souvent commence par un petit bouton mais qui peut entraîner l’amputation de tout un membre. Et quand cela est fait, la personne devient une charge pour la société. Ça c’est également quelque chose de très important. Il y a enfin l’onchocercose qui peut entraîner la cécité. C’est par ailleurs la raison pour laquelle elle a suscité beaucoup plus d’intérêt, afin de pouvoir véritablement réduire au moins son impact clinique », rappelle Dr Hugues Nana Djeunga, Chercheur au Centre de recherche sur les filarioses et autres maladies tropicales (CRFilMT).

Une prise en charge au rabais

Les MTN ont subi les impacts négatifs de la pandémie du SRA-COV2; à cause de la fermeture des frontières, et du ralentissement de la production des médicaments dus à la réduction du travail et de la concentration des énergies sur la lutte contre le COVID19.

Il faut rappeler qu’avant la pandémie, parce que le personnel qualifié pour la prise en charge de ces maladies n’est pas aussi suffisant et disponible, c’est généralement vers le charlatan que le malade se dirige pour sa guérison. Toutefois, grâce à la sensibilisation et la révolution de la prise en charge, l’on a enregistré une amélioration dans la fréquentation des hôpitaux par les malades. Notons que le traitement de l’onchocercose a par exemple connu l’entrée en scène des agents communautaires qui ont facilité l’accès des populations au mectizan, molécule efficace dans la prise en charge de cette maladie encore appelé cécité des rivières causée par la piqûre d’un insecte, similis, présente aux abords des rivières et des fleuves. La prise en charge a connu une évolution avec l’approche « Test and Treat » qui consiste à tester la prévalence de l’aloas chez le malade d’onchocercose avant de lui administrer le mectizan. « L’on s’était rendu compte que des malades affectés par l’aloas qui prenaient le mectizan développaient des effets secondaires graves et parfois mortels. Nous avons lancé l’approche Test and Treat pour éviter ces désagréments. Toute personne porteuse de l’aloas n’était plus automatiquement éligible au traitement mais suivait d’abord un traitement », expliquait un chercheur lors du lancement de cette initiative au Cameroun.

« Il y a un impact certain et réel. Déjà dès le début du COVID-19, il y a eu l’arrêt des traitements de masse. Ce qui a créé des résurgences. Ça déjà c’est un problème. De façon globale, sur la mise en œuvre des activités de lutte contre les MTN, il y a eu un impact important. Les coûts mis en œuvre ont décuplé parce qu’il fallait prendre des précautions pour former des gens, acheter des masques et des gels. Une petite étude a été menée au niveau de l’unité de coordination des différents programmes. Je n’ai pas les chiffres en tête mais ils ont effectivement déclaré qu’il y a eu un impact important sur des coûts de mise en œuvre et sur la transmission de la maladie parce qu’il y a eu des périodes où il n’y a pas eu de traitement », a confirmé Dr Hugues Nana Djeunga.

La pandémie du coronavirus a encore rendu difficile la prise en charge des Mtn. A cause de la fermeture des frontières, et du ralentissement de la production des médicaments dû à la réduction du travail et de la concentration des énergies sur la lutte contre le COVID19.

Dr Nji Ernest Tabah, Permanent Secretary of NTD in Cameroon.

« COVID-19 has had a huge impact on our NTD control activities ».

Did COVID-19 have an impact on the traitment of Negleted Tropical Deseases ?

The barrier measures put in place stopped us from carrying out all community-base activities for almost the whole of 2020. We could not do active, case finding, community awareness campagnes, community surveys, nor mass treatment. Training activities became more costly. Since we could not bring together more than 50 persons in a training session at once, we had to multiply sessions and the increased the training cost. Provision of face masks and hydro-alcoholic gels was obligatory for any activity bringing together people. This increased the cost of such activities. Huge delays in implementing 2 major projects leading to their extension by one year. Medication for treatment of Buruli ulcer and leprosy was not available in 2020 as well.

Pr Yap Boum II

« Il faudrait une approche encore plus agressive et multisectorielle »

Pourquoi Peut-on dire que les Maladies tropicales négligées sont une menace pour un pays comme le Cameroun ?

Dès le moment où des Camerounais font face à des maladies dont ils ne trouvent pas facilement les moyens d’être pris en charge alors c’est une véritable menace. Ces maladies négligées peuvent causer des drames familiaux et même à l’échelle du pays. Les morsures de serpent font partie des maladies négligées. On se souvient encore du décès il y’a quelques années du Dr Faycal due à une morsure de serpent alors qu’il exerçait pour sauver des vies. Cela avait créé une onde de choc. Aujourd’hui nos populations et surtout celles du septentrion sont menacées par ces morsures d’autant plus que le sérum pour leur prise en charge coûte près de 50.000 FCFA, à peu près $USA 100 pour une dose inaccessible pour une très grande majorité des Camerounais. Donc oui les MTN sont bel et bien une menace d’autant plus que nous en trouvons un bon nombre au Cameroun parmi lesquelles l’ulcère de buruli,. L’onchocercose, le trachome, le pian la lèpre, les schistosomiases et bien d’autres…

Ces maladies ne semblent pourtant pas bénéficier d’une attention conséquente. Avec par exemple le cas de l’ulcère de buruli dont les malades doivent leur survie en quelque sorte des organisations telles que Médecins sans frontières.

Ce groupe de maladies sont considérées négligées par le nombre parfois limité de malades et aussi d’acteurs impliqués dans leur lutte. Le ministère de la Santé Publique du Cameroun a une Sous- Direction qui en est dédiée et même un point focal pour la recherche opérationnelle. C’est bien la preuve que c’est une activité importante pour le Cameroun. Il est vrai que les acteurs, pour venir en appui, sont limités, mais il faudrait une approche encore plus agressive et multisectorielle.

L’ulcère de Buruli en est une belle illustration. Les patients atteints de cette maladie sont très souvent stigmatisés et sont pris en charge des fois trop longtemps par des tradipraticiens avant de se rendre à l’hôpital où ils arrivent dans des situations sévères dans lesquelles où la solution ne reste plus que l’amputation du membre. Ceci montre le besoin d’appropriation des communautés territoriales décentralisées qui peuvent contribuer à la sensibilisation, mais aussi la prise en charge des patients en communauté entre les consultations à l’hôpital. Cette maladie est fortement présente autour des cours d’eau à débit lent comme le Nyong et autour de certains barrages. Il y a la une opportunité de collaboration avec le ministère de l’Environnement pour contribuer à la compréhension et donc la prévention de cette maladie dont la cause reste à définir. Pour finir, les entreprises comme celles impliquées dans cette région peuvent de par leur responsabilité sociale venir en aide aux malades et à leur famille, de même que les élites de ces localités.

Quel impact a eu le COVID-19 dans la prise en charge des maladies tropicales négligées en général, et sur les projets contre l’ulcère de buruli en particulier ?

L’OMS recommande une cure de 8 semaines d’antibiotiques oraux, à base de rifampicine et de clarithromycine. Cette antibiothérapie orale a rendu le traitement plus accessible aux patients. Cependant la pénurie de médicaments observée pendant la pandémie COVID-19 a été provoqué entre autre par la réorientation de la production vers l’azithromycine qui faisait partie du Protocol de prise en charge de la pandémie de COVID-19. De plus le suivi des patients en communauté a été rendu difficile voire impossible dans certains pays à cause de la diminution des ressources humaines orientées vers le COVID-19 et dès confinements mis en place dans certains pays.

Comment améliorer la situation des MTN au Cameroun et même en Afrique ?

L’amélioration de la situation des MTN au Cameroun et en Afrique passe par davantage de ressources et d’engagements communautaires. Une approche multisectorielle incluant les communautés territoriales décentralisées (CTD) permettrait une meilleure appropriation de cette lutte par les communautés. Il faut également des champions pour davantage de plaidoyer pour la lutte contre les MTN. L’implication de sportifs, artistes et autres champions de l’industrie sont un important catalyseur de la lutte contre les maladies dans le monde.

MTN présente au Cameroun

Trachome

Apparence d’œil normal et sainInflammation répétée des paupières entrainant la cécité.

21/189 districts de santé endémiques (Nord, Extrême-nord).

Onchocercose

Maladie parasitaire affectant la peau et les yeux dont la complication la plus grave est la cécité.

113/189 districts de santé sont fortement endémiques et traités chaque année.

Filariose lymphatique

Maladie causée par une filaire à l’origine des complications handicapantes (éléphantiasis, hydrocèle).

137/189 districts de santé sont endémiques au Cameroun.

Géohelminthiases

Vers intestinaux transmis via le sol à l’origine d’un retard de croissance et retard scolaire chez les enfants.

189/189 districts sont endémiques à des niveaux très variables

Schistosomiase (Bilharziose)

Maladie causée par des vers présents dans les eaux douces pouvant entrainer une croissance lente.

80/189 districts de santé sont endémiques.

Lèpre

Maladie bactérienne affectant la peau, les nerfs et les membres à l’origine de handicap important en absence de traitement précoce.

15 /189 districts restent hyper endémiques.

Ulcère de Buruli

Maladie bactérienne affectant peau et tissus sous la peau

Au Cameroun, elle sévit dans la Vallée du Nyong (Centre, Sud, Est) et dans la cuvette de Bankim (Adamaoua).

150 à 200 cas de cette maladie sont notifiés chaque année dont plus d’un tiers avec des complications graves.

Pian

Maladie bactérienne affectant peau, os et cartilage Au Cameroun, la plupart des districts ruraux hébergeant des populations difficiles d’accès sont à risque1000 à 2000 cas sont notifiés chaque année.

Leishmaniose

Maladie parasitaire transmise par une mouche affectant la peau et les viscères.

La maladie (cutanée) est actuellement endémique dans une dizaine de DS la région de l’Extrême-Nord.

Trypanosomiase

La Trypanosomiase Humaine et Africaine ou maladie du sommeil est une maladie parasitaire transmise par une mouche

Au Cameroun, le seuil d’Elimination de moins de 1/10.000 habitants/an a été atteint au niveau national.

On note la persistance de 5 foyers actifs dans les DS Kribi (Campo) de Lolodorf ( Bipindi, Ngovayang)  de Lomie (Est) et Yokadouma (Est).

Ver de guinée

Maladie invalidante parasitaire causée par un ver que l’on ingère en buvant de l’eau contaminée

Certification de son élimination au Cameroun depuis 2007

Mais résurgence récente dans les DS frontaliers du Tchad, très endémique.

Envenimation par serpent

Au cours des 2 dernières années près de 6500 et 7500 cas de morsures de serpents ont été notifiés avec 145 et 115 décès respectivement en 2018 et 2019

Les régions à plus forte létalité sont : Nord, Extrême-Nord, Centre et Est.

Rage

Zoonose prise en Charge dans le Cadre du ONE HEALTH en collaboration avec le Secteur de médecine animale.

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