Wednesday, November 29, 2023
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Pr Joseph Kamgno : nous voudrions sollicitons l’aide de l’État pour cette œuvre titanesque

Le chercheur et Directeur de l’Institut Supérieur de Recherche Scientifique et Médical explique la nouvelle technique pour la prévention de l’onchocercose.

Par la Rédaction

L’Institut Supérieur de Recherche Scientifique et Médical (ISM) que vous dirigez expérimente une nouvelle technique dans la lutte contre l’onchocercose (cécité des rivières). Pouvez-vous nous l’expliquer ?

La nouvelle approche dans la lutte contre l’onchocercose que nous expérimentons consiste à couper les feuilles et les branches des plantes qui flottent sur le cours d’eau. Les simulies pondent leurs œufs sur ces feuilles et branches. Ces œufs vont se développer d’abord en larves ensuite en simulies adultes .En coupant ces feuilles et branches sur un segment du fleuve Mbam à Bafia (dans le Mbam et Inoubou Ndlr), on a éliminé une proportion très importante de simulies qui auraient pu piquer les populations et ainsi transmettre la cécité des rivières. 

Ces simulies peuvent-elles aussi se déposer sur les légumes qui sont cultivés en bordure des cours d’eau ?

Non ; elles ne se posent que sur les plantes flottantes sur l’eau.  Elles n’iront pas dans le champ déposer les œufs. Puisqu’il faut de l’oxygène et l’eau qui coule rapidement. Cette eau qui se renouvelle rapidement et qui est oxygénée permet le développement des œufs en larves et de larves en simulies adultes qui vont sortir de l’eau pour aller piquer les populations dans les villages le long des cours d’eau.

Cette méthode rentre dans le cadre de la lutte anti-vectorielle. Une lutte naturelle qui consiste à détruire les sites de pontes. On peut aussi utiliser les insecticides pour la lutte contre les simulies; on verse les insecticides dans l’eau mais quand on voit la taille de la Sanaga on peut imaginer la quantité d’insecticides qu’il faut verser. Il y a aussi un impact de ces insecticides sur l’eau, sur l’environnement et la santé des populations. Sans oublier que lorsqu’on verse ces insecticides à la longue certaines simulies deviennent résistantes. Nous avons déjà travaillé à Bafia dans la Mbam et Inoubou à Pout Kelle dans le Nyong et Kelle, région du Centre. Ce sont les deux sites d’essai avec des résultats satisfaisants ; à Pout Kelle nous avons pu réduire 90% de simulies mais à Bafia, comme le fleuve est grand, le taux de réduction était de 30%, ce qui est très important compte tenu de la densité de ces simulies dans le Mbam. C’est une technique qui marche ; il faut l’améliorer. En Ouganda, elle a été également testée et ça a marché.

Est-il vrai que les simulies transmettent aussi l’épilepsie ?

Les simulies transmettent essentiellement l’onchocercose ; l’épilepsie est la conséquence de l’onchocercose, étant donné que l’onchocercose fait dans le corps des nodules qui sont des microfilaires qui entraînent la cécité, les neurones qui sont dans l’œil sont les mêmes qui sont dans le cerveau. Et le fait de détruire ces neurones de l’œil va altérer ceux qui sont dans la tête et provoquer des crises d’épilepsie chez l’individu.

A quand le passage à l’échelle de la nouvelle stratégie de prévention qui consiste à détruire les simulies en détruisant les sites de ponte aquatique ?

Nous voulons d’abord améliorer le système parce que lorsqu’on va dans le cours d’eau avec la machette il y a le risque de se noyer. Nous voulons trouver des engins qui peuvent permettre de naviguer dans l’eau pour détruire les simulies.  Ces systèmes existent aujourd’hui ; on a des gens qui vont à trois kilomètres en dessous de la mer pour chercher le pétrole.  Il est donc tout à fait possible de trouver des engins qui permettent de naviguer sur les fleuves Sanaga Bénoué, Logone, Mbam, Noun, Ntem, Ngoko, Kadéi, Boumba, Mentchum, Moungo …, et de détruire ces simulies qui rendent la vie presqu’impossible aux vaillantes populations qui travaillent dur pour nourrir le Cameroun et la Sous-Région. Il y a des magnifiques sites touristiques dont la visite est difficile aussi à cause de ces simulies.

 
Combien de Camerounais sont-ils exposés à l’onchocercose ?

Toutes les dix régions du Cameroun sont touchées par les simulies. Et la conséquence n’est pas seulement la transmission de l’onchocercose : les bordures des cours d’eau sont fertiles et les populations qui y vont pour faire leurs champs sont souvent piquées par les simulies. C’est une grosse nuisance qui diminue la productivité de ces populations.

Avant cette méthode vous avez travaillé sur test and treat…
Le test and treat est un résultat un peu vieux (2015) qui consistait à tester pour savoir si le sujet était infecté par la loase avant de donner l’ivermectine, dans les zones où la loase est endémique. Pour éviter des effets secondaires graves. C’est une technique satisfaisante mais ce que nous sommes en train de faire c’est d’améliorer le loascope parce qu’il utilisait l’iPhone qu’il fallait acheter et associer dans l’appareil pour que le logiciel puisse compter les filaires. Aujourd’hui, nous avons un loascope intégré qui a son processeur et écran intégré et qui n’utilise pas le téléphone. Nous pensons que ce LoaScope sera prêt au premier semestre 2024.

A la suite de ces travaux et du Prix Christophe Mérieux 2022, vous avez reçu une lettre de félicitations du Chef de l’Etat, qu’est-ce que cela vous fait.

En 2025, ça fera 20 ans que nous travaillons pour trouver des solutions aux multiples endémies qui minent nos populations parce que nous ne pourrions jamais éliminer ces endémies sans une recherche endogène soutenue.  Pendant ces années, nous avons eu beaucoup de résultats qui nous ont valu les Prix de la Banque Islamique de Développement en 2015, le Prix Christophe Mérieux en 2022, les lettres de félicitations de plusieurs Ministres et la lettre de félicitations du Président de la République Chef de l’Etat suivie de notre audience chez Monsieur le Premier Ministre Chef du Gouvernement. Nous ne pouvons qu’en être fier et remercier les plus hautes autorités de la République pour leur intérêt à ce que nous faisons. Nous voudrions également dire toute notre satisfaction aux 40 jeunes chercheurs qui se battent tous les jours pour faire avancer la science à l’ISM. Nous voudrions sollicitons l’aide de l’Etat pour cette œuvre titanesque. Une aide de l’Etat nous permettrait d’avoir plus d’impact.

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