Par Adrienne Engono Moussang
A l’issue de travaux du Conseil ouest et centre africain pour la recherche et le développement agricoles (CORAF) tenus à Yaoundé en octobre 2022, son directeur exécutif a rappelé par ailleurs qu’une collaboration codifiée entre la recherche et le secteur privé pour une bonne dissémination des résultats de la recherche vivrière.
De plus en plus lorsqu’on parle de recherche agricole, l’on a en vue l’introduction des organismes génétiquement modifiés. C’est le cas aussi pour votre groupe ?
Oui et non ! En tant que chercheur, on ne peut pas penser aux nouvelles technologies. Les Ogm, organismes génétiquement modifiés est souvent un produit d’une recherche scientifique de pointe. Il y a certainement des débats de société autour de cette question. Nous nous pensons au niveau de la recherche que l’information juste soit donnée à la population et à elle de prendre ses responsabilités.
Quant au forum, lui-même, il répondu à la préoccupation de nous rencontrer pour nous concerter un peu plus. On repart avec le sentiment qu’on a besoin de se retrouver pour se concerter assez régulièrement et ça devient un évènement annuel et la prochaine rencontre aura lieu en Côte d’Ivoire où nous attendons le même succès que nous avons eu ici à Yaoundé.
Nous le savons quand même, les chercheurs d’Afrique de l’Ouest et du Centre obtiennent souvent des résultats de leurs travaux ; est-ce que cela suffit pour faire bouger les lignes ?
La recherche répond à un questionnement, il y a un problème qui est posé et la recherche procède par une démarche explicative pour essayer de comprendre le problème et pour proposer des solutions. Une fois que ces solutions sont proposées, il faut les mettre en œuvre. Là intervient une autre catégorie d’acteurs. Lesquels ont besoin d’être sensibilisés et la recherche peut les accompagner. Mais ce n’est pas à la recherche forcément de faire cette mise en œuvre parce qu’elle n’en a pas les moyens, elle n’en a pas peut-être pas la vocation. Et donc l’un des acteurs qui peuvent faire cette mise en œuvre en dehors de ceux du service public c’est le secteur privé qui est de plus en plus performant et dont nous avons vu aujourd’hui l’absence dans les filières qui ne sont pas des filières de rente. Il faut qu’il s’intéresse aux filières vivrières car il faut d’abord vivre pour avoir les rentes.
Avez-vous aussi abordé la question de la vulgarisation dans les médias ?
En échangeant avec vous en ce moment, nous faisons déjà la vulgarisation par les médias. Mais il faut trouver les mots pour communiquer. Nous parlons souvent un jargon compliqué. Ce que nous demandons, c’est que les journalistes nous posent des questions et tant qu’ils n’ont pas compris nous savons que notre message n’est pas passé. Jusqu’à ce qu’ils comprennent là, nous serons convaincus que nous avons été clairs. Peut-être que nous devons, et j’y pense de plus en plus, à mettre en place ce que nous appelons une communauté de spécialistes de la communication professionnelle pour nous accompagner. Nous en avons beaucoup parlé, peut-être pas forcément ici au cours de la rencontre de Yaoundé mais je crois que c’est l’un des maillons importants.
Quelle type de collaboration avez-vous avec le secteur privé ?
Nous avons des rapports non-codifiés ce n’est pas qu’ils n’existent pas. Si vous prenez le secteur semencier qui entre les mains des privée en général. Ce secteur-là prend des semences de base améliorées avec la recherche, les produit, les revend mais on a l’impression qu’il n’y a pas de communication entre nous. Il faudra codifier cela. Quand vous prenez le secteur de la panification au Sénégal par exemple, l’Institut des technologies alimentaires a mis en place une formule de substitution du blé à 30% par les farines locales de mil et le pain est produit avec cette formule depuis des années, ça fait beaucoup d’argent et on ne parle pas toujours du rôle de la recherche. On peut citer plusieurs autres exemples. Le café de l’Institut de recherche agricole pour le développement du Cameroun (Irad) que nous avons tous dégusté ici et qui est de bonne qualité. Le secteur privé peut s’en saisir, le propager. L’Irad ne peut pas mettre en place une usine de torréfaction et de commercialisation parce que ce n’est pas son rôle en tant qu’institut de recherche public. Quand le secteur privé s’en saisira, on pourra aller plus loin.
L’une des résolutions que nous avons prises c’est que nous allons faire une sorte d’inventaire des cas où la recherche a travaillé avec le secteur privé avec des résultats mais qui ne sont pas forcément codifiés.Comment est-ce que la recherche peut adresser des solutions face au changement climatique?
Le changement climatique n’est pas une donnée nouvelle. Nous avons commencé, depuis longtemps que moi je suis chercheur, par les incertitudes de démarrage de saisons ; les paysans sèment, la pluie s’arrête mais il faut ressemer. La deuxième observation était la réduction de la durée de la saison des pluies. La recherche a répondu en mettant en place deux choses ; les variétés précoces qui peuvent murir en un temps court et en conseillant des itinéraires pour la mise en place des cultures comme le sorgho. Ce que l’on préconise c’est des techniques de rétention d’eau. Vous avez des régions où il y a des inondations avec des pluies tombent en un laps de temps très court en grande quantité. Si nous avons des techniques de cette eau-là, on peut l’utiliser longtemps après dans l’année.
Ceci va au-delà de l’adaptation. Il faut que nous changions nos pratiques. Qu’est-ce qui cause le changement climatique ? peut-être les feux de brousse, l’utilisation de la climatisation, des carburants polluants. Nous devons par exemple éteindre les lumières lorsque nous quittons une salle afin de réduire la consommation. Nous pouvons substituer de diesel, de l’électricité par ce que nous offre la nature, les panneaux solaires, tout cela ce sont les résultats de la recherche. Il faut mettre de côté.