Cameroun :: Colomine :: La malédiction de l’or

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La promiscuité gagne du terrain dans la localité. Les orpailleurs ne parviennent pas à tirer les dividendes d’un sous-sol pourtant riche.

Kenfack G.

L’étranger qui entre à Colomine, localité de la Commune de Ngoura (département du Lom et Djérem), région de l’Est, est tout suite frappé par une pléthore de trous qui entourent la ville. A priori, on dirait des tranchées creusées pour protéger la zone contre d’éventuelles invasions étrangères. En s’entretenant, avec la majorité des populations, l’on se rend à l’évidence qu’il s’agit de trous creusés et laissés par les Chinois à la recherche de l’or. Selon le secrétaire général de la communauté musulmane de Colomine, Iya-Ouba Alhadji, La soif de l’or pousse les Chinois à creuser partout et sans pitié. La réputation de la ville connue comme étant la colline de l’or, ne milite pas en sa faveur. « La pierre, qui pouvait faire de nous des personnes riches, est devenue la source de nos malheurs », explique notre source. De l’avis du Dr. Marc Anselme Kamga, agissant pour le compte du Centre pour l’Environnement et le Développement (CED), une trentaine de sociétés minières se sont succédées à Colomine, entre 2014 et 2021, sous la base du permis de recherche dénommé « permis Colomine ». Le scénario n’a pas arrangé les affaires des communautés.

Que ce soit à « Camp Mary » ou à « Camp bleu », célèbres sites d’extraction du métal jaune, les orpailleurs sont à pied-d’œuvre. Enfants, jeunes et adultes sont à la recherche de la pépite qui peut changer leur vie. Des pépites qui, malheureusement, ne leur profitent pas. « Nous sommes juste au service des Aladji qui nous trouvent le matériel et un peu à manger pour qu’on entre dans le mine. Quand on ressort avec l’or, ça va dans leurs poches », indique Darwe, orpailleur. A la fin du mois, ils perçoivent généralement un « salaire de catéchiste », variant entre 50 000 et 80 000 F, pour des mineurs qui travaillent presque 7 jours sur 7.

L’environnement en péril

Aux environs de Colomine, l’environnement est pollué. Les trous creusés de part et d’autre sont recouverts d’une eau dont la couleur est verdâtre en raison de leur forte teneur en mercure. Ces eaux, explique Sa Majesté Symphorien Haito, Gbaya et chef traditionnel de 2e degré, sont sources de plusieurs maladies, notamment le paludisme et la typhoïde. Par ailleurs, plus de 2000 trous ont été recensés à date dans le périmètre urbain de Colomine. Ce qui représente un danger pour les populations riveraines et les troupeaux. 18 décès ont déjà été enregistrés depuis le début de l’année 2021, affirment les autorités traditionnelles. Les conditions dans lesquelles les orpailleurs (les femmes surtout) travaillent sont également à questionner. Elles passent des heures dans les eaux imbibées de mercure et mettent leur santé en jeu.

Il est très difficile de trouver des maisons en matériaux définitif, excepté au marché situé sur l’axe principal. Sur le plan scolaire, l’on observe des déperditions scolaires, car les jeunes sont très tôt utilisés par leurs parents comme main-d’œuvre dans les mines et, de fil en aiguille, ils commencent à prendre goût à une activité qui, selon eux, « donne de l’argent rapidement et sans trop se casser la tête ». Le CES créé dans la localité date de 2009, mais les résultats enregistrés au fil des années ne sont pas toujours à la hauteur des attentes des pouvoirs publics, fait savoir le maire de Ngoura, Michel Mada.

La promiscuité gagne du terrain dans la localité. Les orpailleurs ne parviennent pas à tirer les dividendes d’un sous-sol pourtant riche.